Google Shopping : la Cour de justice de l’UE confirme l’amende de 2,4 milliards d’euros

Google Shopping : la Cour de justice de l’UE confirme l’amende de 2,4 milliards d’euros

Google Shopping : la Cour de justice de l’UE confirme l’amende de 2,4 milliards d’euros

En 2017, la Commission européenne avait infligé une amende de 2,4 milliards d’euros à Google pour avoir avantagé, via son moteur de recherche, son service « Google Shopping ». L'entreprise et sa maison mère, Alphabet, avaient contesté la décision devant le Tribunal de l'Union européenne, puis avaient formé un pourvoi devant la Cour. Celle-ci vient de confirmer cette amende et de donner des arguments à ses concurrents.

La Cour de justice de l'Union européenne vient de confirmer l'amende de 2,4 milliards d'euros infligée à Google en 2017 par la Commission européenne. « Le pourvoi formé par Google et Alphabet est rejeté », explique-t-elle dans un communiqué (PDF) annonçant sa décision. Celle-ci n'est pas très surprenante puisque l'avocate générale avait proposé publiquement en janvier d'aller dans ce sens.

Une décision sur un abus de position dominante débuté en 2008

Il y a maintenant sept ans et après six ans d'enquête, la Commission avait décidé d'infliger cette importante amende à Google pour avoir favorisé illégalement son service Google Shopping dans l'affichage des résultats de son moteur de recherche. Son montant était un record à l'époque. Il n'a été dépassé depuis que par l'amende de 4,3 milliards d'euros que Google a reçue en 2018 pour un nouvel abus de position dominante afin d'imposer son moteur de recherche sur Android (confirmée, elle, en 2022 par la CJUE).

Sur ce cas, la Commission reprochait à Google, à la fois, de ne pas fournir de voie de concurrence loyale à ses compétiteurs et de bloquer le libre choix de service aux consommateurs. L'enquête de la Commission a pu constater que l'entreprise avait favorisé son service d'achat en ligne dès 2008. Elle avait constaté que « même le service concurrent le mieux classé n'[apparaissait] en moyenne qu'à la page quatre des résultats de la recherche de Google, les autres figurant encore plus bas ». Elle recensait au moins 13 pays (dont la France) dans lesquels l'entreprise pratiquait ce favoritisme.

Comme le résume la Cour, Google « affichait son propre comparateur de produits sur les pages de résultats générales sélectionnés par son moteur de recherche de manière proéminente et attrayante dans des "boxes" dédiées, sans qu’il fût soumis à ses algorithmes d’ajustement ». Mais dans le même temps, « les comparateurs de produits concurrents ne pouvaient apparaître sur ces pages que sous forme de résultats de recherche générale, et jamais dans un format enrichi, tout en étant sujets à être rétrogradés au sein du classement des résultats génériques par ces algorithmes d’ajustement ».

Un abus de position dominante confirmé

Google et Alphabet ont contesté la décision devant le Tribunal de l'Union européenne, mais celui-ci a confirmé l'amende en 2021. C'est cette confirmation que les deux entreprises remettaient en cause devant la Cour de justice.

Selon elles, le Tribunal n'avait pas appliqué la jurisprudence en cours en Europe concernant « l’abus de position dominante constitué par un refus d’accès à une facilité essentielle ». Les avocats de Google citaient l'arrêt Bronner. Dans cette affaire, l'entreprise de presse Mediaprint Zeitungs, détenant une position dominante en Autriche, s'était vu reprocher son refus d'intégrer la distribution d'un quotidien concurrent dans son propre système de portage à domicile de journaux.

Pour Mediaprint Zeitungs, la Cour n'avait pas jugé que l'entreprise abusait de sa position dominante, car celle-ci aurait été alors forcée de contracter avec un concurrent. « Or, une telle obligation est particulièrement attentatoire à la liberté de contracter et au droit de propriété de l’entreprise dominante, qui reste, en principe, libre de refuser de contracter et d’exploiter l’infrastructure qu’elle a développée pour ses propres besoins », explique-t-elle dans le résumé de sa décision.

Mais, selon la CJUE, le cas de Google Shopping est différent, « dans la mesure où Google, de son propre gré, donne à ses concurrents accès à son infrastructure, à savoir à son service de recherche générale et aux pages de résultats générales ». La Cour considère donc que les conditions énoncées dans l'affaire Bronner ne s'appliquent pas.

Un contexte utile

L'entreprise remettait aussi en cause les critères sur lesquels la Commission s'est appuyée pour décider de son amende pour exploitation abusive de position dominante et reprochait au Tribunal de les avoir validés.

« Il s’agissait, premièrement, de l’importance du trafic généré par le moteur de recherche générale de Google pour les comparateurs de produits, deuxièmement, du comportement des utilisateurs effectuant des recherches sur Internet et, troisièmement, du fait que le trafic détourné issu des pages de résultats générales de Google comptait pour une large proportion du trafic vers les comparateurs de produits concurrents et ne pouvait pas être effectivement remplacé par d’autres sources », explique la Cour.

Elle ajoute que « pour constater l’exploitation abusive d’une position dominante [...], il est nécessaire, [...] de démontrer que [le comportement en cause] a pour effet actuel ou potentiel de restreindre la concurrence » et de s'appuyer sur un contexte « pour clarifier la conformité desdites pratiques à la concurrence par les mérites ». Bref, Google ne peut pas reprocher à la Commission d'avoir utilisé des arguments dans un contexte précis pour formuler sa décision.

Pas besoin de montrer le mécanisme pour prouver la discrimination

Enfin, Google et Alphabet reprochaient au tribunal d'avoir retenu « l’existence d’une discrimination mise en place par Google » sans que l'existence du traitement arbitraire ait été établie. Pour la Cour, le tribunal a bien montré que « le comportement de Google était discriminatoire et ne relevait pas de la concurrence par les mérites ». Il n'a pas besoin d'aller plus loin. Le pourvoi est donc rejeté par la CJUE.

Dans un communiqué obtenu par TechCrunch, Google affirme : « nous sommes déçus par la décision de la Cour. Cet arrêt porte sur un ensemble de faits très spécifiques. Nous avons apporté des changements dès 2017 pour nous conformer à la décision de la Commission européenne. Notre approche a fonctionné avec succès pendant plus de sept ans, générant des milliards de clics pour plus de 800 services de comparaison de prix ».

Une décision qui pourrait peser dans des procès

La décision de la Commission était soutenue par des concurrents de Google Shopping comme Kelkoo ou Twenga.

Cette dernière a déjà assigné Google devant le tribunal de Paris en s'appuyant sur la décision de la Commission et arguait d'un préjudice de 499 à 666 millions d’euros, expliquaient nos confrères de l'Informé. Twenga a obtenu l'accès à certaines données du moteur de recherche de Google pour appuyer son cas, notamment le nombre de clics enregistrés sur les encadrés publicitaires de Google ou sur les sites de comparateurs entre janvier 2008 et septembre 2017 dans tous les pays concernés par l’abus.

Commentaires (5)


16 ans pour avoir une décision définitive, c'est totalement délirant. Maintenant il faut que Alphabet paye et là je sens que ça va pas être simple non plus
Et donc, 16 ans plus tard, maintenant que les concurrents ont fait faillite, on fait quoi ? On les ressuscite ?
On parle du comparateur de Next, à l'époque, par exemple ? 😑
Bien sur que ce délais est voulu et souhaité. 2,4 milliard d'euro pour google c'est déjà rien sur un an CA alors sur 16....
Mon ressentie c'est que ses ersatz de justice ne sont que de petit timbre amende déguisée et pour faire croire a un semblants de justice.
AVec l'inflation, cela fait encore moins. Il aurait fallu au moins l'indexer sur l'inflation
Fermer